« Grand Paris Express » : un projet au service de la réduction des inégalités d'accessibilité entre l'Ouest et l'Est de la région urbaine de Paris ? (2024)

1Si l’idée de liaisons de rocade n’est pas neuve en Île-de-France, leur réalisation se trouve confrontée à une double opposition: vitesse versus finesse de la desserte, maillage de la banlieue dense versus liaison de pôle à pôle (IAU-IDF, 2010b). L’enjeu d’amélioration de la desserte de la banlieue parisienne est pourtant de taille, la structure actuelle de l’Île-de-France créant des disparités sociales d’accessibilité au marché de l’emploi (WENGLENSKI, 2003). A l’instar de la création du District de la région parisienne en1961, marquant en quelque sorte la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans la planification des transports en Île-de-France (LARROQUE et al., 2002), l’État français des années2010, par la création de la société du Grand Paris, affirme son rôle dans la planification de la région capitale, engendrant le «premier conflit né de la décentralisation» (WIEL, 2011).

2Les diverses manifestations de l’actuelle vision politique de l’État pour un «Grand Paris» du futur se sont essentiellement cristallisées dans un projet de ligne de métro automatique circulaire. Au moment où le décret du24août2011officialise le projet, il demeure un «point de désaccord», largement cité, et une inconnue, qui ne semble pas soulever d’interrogations majeures ou du moins qui n’est pas aussi médiatisée. Le point de désaccord, suscité par la position de la région, concerne la grande boucle Ouest qui, de Rueil-Malmaison à Orly via Versailles et Saint-Quentin-en-Yvelines, desservira le plateau de Saclay, réputé promis à un avenir métropolitain de pointe (cf. Figure1). L’inconnue a concerné durant plusieurs mois la desserte de la proche banlieue Est, entre les limites de Paris et le tracé bien plus oriental du projet initial de Grand-Paris Express, qui passe par Noisy-le-Grand, Chelles et Sevran. Le tronçon tracé en proche banlieue Est sur la carte officielle de la Société du Grand-Paris est alors donné pour un «réseau complémentaire structurant» au sort incertain. En effet, jusque mars2013et la modification du projet par le premier ministre Jean-Marc Ayrault, ce tronçon ne figurait pas dans le projet de l’État et faisait seulement l’objet d’études lancées par le STIF pour le compte de la région (décembre2011) et confiée à la RATP et à la SNCF.

3Sans ce revirement, le sort réservé aux proches banlieues Est et Ouest n’aurait donc pas été le même: une rocade proche du centre de l’agglomération à l’Ouest, passant par La Défense, un arc oriental bien plus éloigné (à12km des limites de Paris), et rien de bien défini quant à la desserte de ce que l’on appellera dans cet article le proche Est. Or les maillages et les dessertes héritées du passé ferroviaire de l’agglomération sont déjà bien différents entre ces deux banlieues. L’abondance des emplois y est également différente, notamment en raison de ce «haut-lieu» métropolitain que constitue La Défense, enveloppée d’une zone de diffusion et de croissance de l’emploi qui regroupe plusieurs communes limitrophes.

4Ce déséquilibre Est-Ouest dans la localisation de la population et des emplois est un exemple pertinent des problèmes d’accès physique à l’emploi et de la stratification résidentielle en Île-de-France (GOBILLON, SELOD, 2004), proche du phénomène de spatial mismatch décrit en Amérique du nord. Il renvoie à un besoin accru de réseaux de transports pour combler les écarts d’accessibilité. Si habiter à proximité de zones d’emploi n’est pas forcement un rempart contre le chômage (COUTARD et al. 2002; GOBILLON, SELOD, 2007), la question de l’efficacité du réseau de transport public est primordiale. Ainsi, ce n’est pas tant la distance entre l’habitat et l’emploi qui pose problème, mais l’absence de moyens efficaces pour parcourir ces distances (WILSON 1987, PUGH1998). La prise en compte par les individus des coûts de la mobilité dans l’ensemble de ses dimensions–monétaire, temporelle, corporel, cognitive et culturel (BEAUCIRE, 2005, 2010)–semble en effet être un frein à l’employabilité des habitants des zones moins accessibles (BRUECKNER, MARTIN, 1997; COULSON et al., 2001; BRUECKNER, ZENOU, 2003).

5L’amélioration du réseau de transport public francilien pourrait apporter des solutions dans la mesure où l’accessibilité est une pré-condition de l’intégration sociale (FARRINGTHON2007). Il convient cependant d’interroger dans quelle mesure le projet de rocade en petite couronne répond aux besoins des populations et apporte des éléments d’atténuation du phénomène de spatial mismatch. En effet, il existe parfois une déconnexion entre la vision métropolitaine d’un projet de transport (volonté de visibilité internationale dans un contexte de concurrence entre villes globales) et les enjeux locaux de la mobilité (DREVELLE, 2011).

6L’objet de la présente contribution consiste ainsi à évaluer l’effet du Grand Paris Express (GPE) sur la réduction ou l’accroissem*nt des inégalités d’accessibilité qui découleront de la construction de la rocade. Nous interrogerons aussi ce que deviendraient ces inégalités dans la perspective de la non-réalisation de l’arc du proche Est, dont la réintégration au projet étatique ne date que de mars2013. La prise en compte de certaines données socio-économiques permet d’estimer de quelle manière le projet permet l’intégration des communes moins favorisées dans la ville de l’accessibilité. Notre recherche apporte ainsi des éléments pour appréhender la nature de Grand Paris Express: un projet de marketing urbain ou un projet au service de la réduction des inégalités entre l’Est et l’Ouest de la région?

7L’étude des inégalités d’accessibilité à l’emploi introduit une hypothèse sous-jacente de déconnexion entre les lieux d’habitat et de travail, d’inégalité de répartition des ressources urbaines. Cette déconnexion ferait office de barrière géographique et pourrait avoir une influence sur le niveau de vie ou l’employabilité des habitants. Ainsi, dès1970aux États Unis, MEYER et KAIN attiraient l’attention sur le possible lien entre un système de transport inadapté et la pauvreté (KAIN, 1968; KAIN, MEYER, 1970). Les théories du spatial mismatch vont alors mettre en relation les difficultés de certains territoires avec, sans forcément le citer explicitement, un déficit d’accessibilité. WILSON (1987) pointe le problème de la dépendance automobile, des coûts supplémentaires (en temps et en argent) et de la difficulté des trajets domicile-travail longs. Margareth PUGH (1998) isole quatre facteurs dont dépend l’intensité du spatial mismatch: la taille de l’agglomération, la ségrégation, l’éclatement du marché du travail et l’efficacité du réseau de transports en commun. Ainsi, l’accessibilité apparaît comme un composant de la justice sociale. Selon FARRINGTHON (2007), l’accessibilité est une pré-condition à l’intégration sociale, qui est elle-même une pré-condition à la justice sociale. L’étude des inégalités d’accessibilité des territoires en Île-de-France apparaît alors comme nécessaire pour comprendre leur degré d’intégration métropolitaine.

8La notion d’accessibilité renvoie à celle d’univers des possibles, c’est-à-dire qu’elle définit une mobilité potentielle, qu’elle donne une indication sur l’ensemble des destinations que l’on peut atteindre, moyennant un investissem*nt donné: le temps, le coût monétaire, la pénibilité et les freins cognitifs à surmonter (BEAUCIRE, 2011). La mesure de l’accessibilité aux ressources urbaines est ainsi souvent utilisée comme un indicateur de performance territoriale (CERVERO, 1995; LEVINSON, 1998; WACHS, KUMAGAI, 1973). Toutefois, si la notion d’accessibilité est abondamment utilisée dans le domaine des études urbaines et sociales, elle reste souvent définie de manière imprécise. Les travaux récents de Sylvie FOL et Caroline GALLEZ (FOL, GALLEZ, 2012) soulignent le caractère multidimensionnel et la diversité des usages de cette notion pour aborder la question des inégalités d’accès à la ville.

9Si l’accessibilité physique est un point important, les effets de la distance temporelle ou spatiale semblent renforcés par le différentiel de niveau d’étude ou de qualification, qui déterminent l’employabilité des individus et qui peuvent engendrer un le skill mismatch. La transformation de l’économie créerait un écart croissant entre les compétences requises pour travailler dans les nouveaux secteurs de l’économie et les compétences acquises par les habitants des quartiers désavantagés (KASARDA, TING, 1996). Ainsi, il convient d’éviter les confusions entre accessibilité physique et mobilité: avoir accès spatialement à un potentiel important de ressources ne signifie pas que l’on a la capacité ou le besoin de les utiliser. Les travaux sur la motilité (KAUFMANN, 2005) montrent que le passage du potentiel au déplacement dépend de la manière dont l’individu ou le groupe «fait sien le champ du possible de mobilité et en fait usage» pour développer des projets (p.126). Le rôle des réseaux sociaux et du capital culturel est aussi important dans la mesure où l’écart peut être important entre l’accessibilité théorique et la connaissance des ressources auxquelles on a accès. Ainsi, les groupes dominants profitent de réseaux sociaux qui ne sont pas basés sur la proximité spatiale et disposent de grilles de lectures de l’espace facilement transposables dans différents lieux, ce qui leur confère une faculté plus grande à se déplacer (RÉMY, VOYÉ, 1992). A l’inverse, les groupes moins favorisés ont des relations sociales d’avantage basées sur la proximité, sur le quartier (COUTARD et al. 2002; BACQUÉ, FOL, 2008) et par conséquent déconnectés et isolés des centres de développement économique (WILSON, 1987, 1996). Cette faiblesse des réseaux sociaux aurait un impact tout aussi important que la déconnexion physique et la ségrégation sur les difficultés d’accès aux ressources urbaines en Île-de-France (GOBILLON, SELOD, 2007).

10Dans le cas francilien, la combinaison d’effets spatiaux et sociaux ont des conséquences fortes en termes d’accessibilité et d’accès à l’emploi. ORFEUIL et WENGLENSKI (2004, cité dans MIGNOT, 2004) montrent que «l’accessibilité au marché de l’emploi d’Île-de-France (définie comme la part de l’emploi de la catégorie accessible en un temps donné) est plus faible pour les ouvriers que pour les cadres» (p.3). Cela s’explique à la fois par la moins grande concentration de l’emploi ouvrier et par un accès plus faible à l’automobile dans cette catégorie socioprofessionnelle. Ce champs de recherche fait l’objet de nombreux travaux, autant pour la région parisienne (DUGUET et al., 2009; KORSU, WENGLENSKI, 2010) que pour les grandes villes françaises ou européennes (GASCHET, GAUSSIER, 2004; DUJARDIN et al., 2008). D’autres travaux ajoutent à ces dimensions la prise en compte de la compétition sur le marché du travail: même si un travailleur jouit d’une bonne accessibilité physique, est mobile et possède une qualification recherchée sur le marché du travail, son accessibilité réelle aux emplois peut être limitée si sa localisation géographique par rapport aux emplois le met en compétition avec un très grand nombre d’autres travailleurs possédant les mêmes caractéristiques (BUNEL et TOVAR, 2012). L’accessibilité serait alors un meilleur rempart contre le chômage dans les franges urbaines et les espaces ruraux que dans les grands centres urbains (DÉTANG-DESSENDRE, GAIGNÉ, 2009)

11Devant la richesse de la notion d’accessibilité et des théories qui l’utilisent, il convient de préciser comment notre propos se situe par rapport aux concepts de la géographie de l’accessibilité. Si nous sommes conscients des déterminants sociaux et cognitifs de l’accessibilité, notre travail s’enracine dans l’étude des inégalités spatiales d’accessibilités. La définition de l’accessibilité utilisée dans cet article se rapproche donc de celle développée dans les travaux d’HAGERSTRAND (1970). Ainsi l’accessibilité peut être vue comme une île formée autour de l’individu, représentant l’ensemble de ses déplacements potentiels, et délimitée par ses capacités de déplacement et ses contraintes (ici la structure du réseau et le temps de parcours). Cet indicateur d’accessibilité «semble le mieux adapté à la mesure des inégalités d’accès à l’emploi en référant à un potentiel» (WENGLENSKI, 2003, p.15). L’utilisation d’un temps maximal de parcours se réfère aux hypothèses de la time-geography (HAGERSTRAND, 1970) et de la constance des budgets temps-transport (ZAHAVI, TALVITIE, 1980), qui montrent l’importance du temps dans la délimitation des destinations potentiellement accessibles. Une telle mesure d’accessibilité à l’emploi dans le cadre français s’inscrit par ailleurs dans la continuité des travaux théoriques de KOENIG (1974) et de POULIT (1974, 2009). Elle a par ailleurs fait l’objet de nombreux travaux empiriques, notamment pour évaluer les impacts d’une ligne nouvelle de rocade en Ile de France (DREVELLE et al., 2011) et en province, à Montpellier, (DREVELLE, 2012) ou d’une politique de transport (COSTES et al., 2009).

12Afin d’évaluer les inégalités d’accessibilité entre les proches banlieues Ouest et Est de l’agglomération parisienne, nous proposons de délimiter deux «croissants» d’une quinzaine de communes, situés à des distances moyennes de Paris comparables et tous deux concernées par le tracé de la rocade du super-métro proposée dans le cadre du Grand Paris Express (cf. Figure1). Le choix de concentrer l’étude sur deux périmètres a été motivé par l’objectif de faire émerger des contrastes «stylisés» entre l’Est et l’Ouest de Paris, toutefois certaines analyses seront aussi présentées à l’échelle de la commune. Durant la composition de ces deux ensembles, formant nos deux zones d’étude, nous avons exclu les communes limitrophes de Paris considérées comme fortement intégrées à la ville centre, nous avons toutefois inclus des communes limitrophes aux bois de Vincennes et de Boulogne dans la mesure où leur distance à Paris intra muros est équivalente à celle des autres communes du croissant. Nous avons par ailleurs cherché à maintenir une certaine similarité des caractéristiques socio-économiques entre les communes d’un même périmètre. Les poids démographiques des deux zones sont relativement voisins (près de740000 à l’Ouest et571000à l’Est); en revanche, le nombre d’emplois varie du simple au double en faveur de l’Ouest (503000contre179000à l’Est) (cf. Tableau1). Ce déséquilibre de l’emploi s’explique notamment en raison de la présence de La Défense: les communes de Courbevoie, Puteaux et Nanterre, sur lesquelles le quartier d’affaire est installé, regroupent à elles seules290000emplois (si on exclut La Défense, la différence entre Est et Ouest est nettement moins accusée). On compte ainsi68emplois pour100habitants dans le croissant Ouest et31seulement dans le croissant Est.

13Cette différence, 65% d’emplois en moins à l’Est par rapport à l’Ouest (contre seulement23% de population en moins) a des conséquences sur l’accessibilité aux emplois dans le croissant Est, qui se répercutent sur l’accessibilité à l’ensemble des emplois situés en dehors de ces deux zones. Par ailleurs, ces différences de stock sont accentuées par des différences de nature entre les emplois présents: à l’Ouest, 28% des emplois présents sont des emplois de cadres (contre18% à l’Est). A l’inverse, à l’Est, 50% des emplois présents sont des emplois d’ouvriers ou employés (contre20% à l’Ouest). Le périmètre Est se caractérise donc par des emplois moins nombreux et moins qualifiés. Cette différence dans les catégories socioprofessionnelles se retrouve aussi au niveau des actifs résidents. La part d’actifs cadres est beaucoup plus importante à l’Ouest et celle d’actifs ouvriers ou employés est très représentées à l’Est.

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Délimitation des périmètres d’étude

14Outre les déséquilibres en termes de population et d’emploi, les deux périmètres présentent des indicateurs socio-économiques différents. Bien qu’il existe quelques différences entre communes d’un même périmètre (que nous avons essayé de les minimiser lors que la définition des périmètres), on observe que les communes du périmètre Est sont globalement plus touchées par le chômage, possèdent d’avantage de logements sociaux et une population moins aisée ainsi qu’un prix des biens immobiliers plus faible par rapport aux communes du périmètre Ouest. Ce déséquilibre socio-économique entre Est et Ouest, associé à l’inégale répartition (quantitative et qualitative) des emplois en faveur de l’Ouest, fait apparaître la notion d’accessibilité comme un élément d’intégration et de justice sociale pour le périmètre Est, plus pauvre, moins attractif et d’avantage marqué par le chômage.

Tableau1

Périmètre d’étude
Ouest
Périmètre d’étude EstPérimètre Est en % du périmètre
Ouest
Nombre de communes1615
PopulationPopulation (2008)74000057100077%
% d’actifs résidents cadres32%15%47%
% d’actifs résidents ouvriers/employés37%55%149%
EmploisEmplois (2008)50400017900036%
% d’emplois cadres28%18%64%
% d’emplois ouvrier/employé20%50%250%
Nombre d’emplois pour100 habitants683146%
IndicateursTaux de chômage (2009)*8,50%16,30%192%
Revenu médian par Unité de
Consommation (2009)*
26725€15815€59%
Taux de logements sociaux (2009)*18,60%30,20%162%
Prix moyen du m2(2012)*5145€3175€62%

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* Médiane des valeurs communales du périmètre

15Dans cet article, l’objectif est de présenter un cadre méthodologique simple permettant de capturer les effets du Grand Paris Express sur l’inégalité d’accessibilité entre les deux zones présentées ci-dessus.

16Pour ce faire, un premier choix consiste à exclure les emplois parisiens du volume des emplois accessibles à partir de chacune des communes des deux croissants. Ce faisant, notre analyse permet de dégager l’impact "stylisé" du GPE sur l’accessibilité relative des emplois des zones Est et Ouest par leurs populations respectives. Les deux zones étudiées vont toutes deux bénéficier du GPE car elles se trouvent sur son tracé, dont l’originalité est précisément de contourner Paris; la question qui se pose est alors de savoir si elles vont toutes deux également profiter de cette évolution du réseau ou si celle-ci va permettre de réduire l’inégalité d’accessibilité entre l’Est et l’Ouest de la capitale. En outre, ce choix est justifié dans la mesure où les tracés radiaux des lignes de chemin de fer, RER et Transilien, assurent dans les deux cas des accès aisés et de forte capacité à la capitale. La prise en compte de Paris et de son nombre très important d’emplois aurait rendu plus difficile l’analyse des résultats, ajoutant du bruit dans le nombre d’emplois accessibles sans pour autant apporter d’éléments décisifs sur les différences d’accessibilité inter-banlieue entre Est et Ouest. Il faut également noter que la configuration géographique des réseaux, à l’Ouest (Saint-Lazare) comme à l’Est (Gare de l’Est) permet une desserte tangentielle entre communes des deux croissants, en raison de l’orientation vers le sud d’une partie des lignes issues de ces deux gares parisiennes.

17Un deuxième choix, qui découle du précédent, porte sur la considération de l’ensemble du volume d’emplois, sans différencier selon la catégorie socioprofessionnelle ou les fonctions d’entreprises et sans modéliser la compétition sur le marché du travail. Tenir compte de ces deux éléments aurait impliqué un exercice de modélisation extrêmement complexe et aurait nécessité de conserver Paris dans l’analyse.

18Un troisième choix consiste à réaliser la mesure des accessibilités en quai à quai et non en porte à porte, ce qui introduit naturellement une distorsion qui peut être importante du point de vue des actifs puisque les temps d’accès à la gare ne sont pas pris en compte. La distance moyenne entre les centres de gravité de la population et des emplois n’a pas été prise en considération, notre analyse retenant la maille communale comme plus petite unité territoriale: accéder à une gare permet d’accéder à l’ensemble des ressources de la commune. Ces choix permettent de rendre compte des effets de l’évolution du réseau et non de l’organisation urbaine intra-communale. Se rapprochant de la durée moyenne d’un déplacement domicile-travail selon l’Enquête globale de transport (EGT) de2001, nous avons retenu une durée de30minutes quai à quai, comprenant les correspondances à raison de cinq minutes par correspondance, c’est-à-dire sans égard pour les différences entre les pôles d’échanges ni entre les fréquences des rames en heure de pointe.

19L’utilisation d’un seuil temporel fixe pour mesurer les impacts de Grand Paris Express sur l’accessibilité des territoires est la méthode la plus adaptée pour refléter les logiques individuelles. En effet, l’amélioration des vitesses de transport se traduit par une réutilisation du temps gagné dans d’autres déplacements et par l’extension de la zone d’activités potentielles des individus (CROZET, JOLY, 2003). Ce sont donc bien les gains d’accessibilité qui priment sur les gains de temps.

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Graphe du réseau simulé

20La modélisation des réseaux les réseaux routiers (CHAPELON, 2006) que pour les réseaux de transports en commun ou intermodaux (L’HOSTIS, CONESA, 2010). Afin de mesurer l’accessibilité aux emplois à l’échelle communale, nous avons donc modélisé l’ensemble du réseau ferré francilien (métro, RER, transilien, tramway) en proche et moyenne couronne. Dans le graphe valué obtenu, les nœuds représentent les gares (point d’entrée du territoire sur le réseau) et les liens représentent les relations entre les gares, c’est-à-dire les lignes ferroviaires. Les temps de parcours entre les gares ont été définis à l’aide des fiches horaires de l’ensemble des lignes du réseau francilien. Le réseau ainsi simulé compte301nœuds (gares ou points de correspondances) et396liens (cf. Figure2). Il permet de simuler l’accessibilité entre290communes ayant un point d’entrée sur le réseau en calculant les itinéraires optimaux entre gares grâce à des algorithmes de plus court chemin (Dijkstra, 1969; Opsahl, 2010). Notre recherche se concentrant sur les accessibilités hors Paris, la simulation du réseau a été simplifiée dans Paris intra-muros: n’ont été simulées que les interconnections entre les différents réseaux régionaux et entre les lignes de métro sortant de la commune de Paris.

21Pour estimer l’accessibilité avec la mise en service de Grand Paris Express, nous avons simulé les temps de parcours sur le nouveau réseau en nous basant sur une vitesse commerciale de GPE de60km/h. La simulation du nouveau réseau a engendré l’ajout de16nœuds et de52liens à notre graphe (cf. Figure2). Il convient de noter que nous n’avons pas créé de liens nouveaux entre deux communes lorsque celles-ci sont déjà reliées par le réseau actuel, en revanche, les variations du nombre de correspondances et de la vitesse ont été prises en compte.

22Dans l’hypothèse où le tracé de l’arc du proche Est, récemment intégré au projet, ne serait pas réalisé, nous avons aussi calculé les accessibilités avec GPE sans intégrer l’arc du proche Est dans le réseau simulé.

23Les résultats des calculs de l’accessibilité actuelle montrent une accessibilité moyenne par commune à la population équivalente entre Ouest et Est. En ce qui concerne l’emploi, si le croissant Est offre sur son territoire65% d’emplois en moins par rapport au croissant Ouest (cf. Tableau1), la différence d’accessibilité aux emplois tous espaces confondus (hors Paris) n’est «que» de36% (cf. Tableau2). D’une certaine façon, le réseau, producteur d’accessibilité, permet aux actifs du croissant Est de compenser pour partie la différence d’emplois au sein des périmètres d’étude. Ainsi, la déconnexion spatiale entre population et emplois dans l’Est francilien est en partie atténuée par l’existence d’un réseau de transport en commun permettant d’atteindre des ressources plus lointaines. En proche couronne francilienne, la ville des accessibilités semble donc moins inégalitaire que la ville des proximités, même si le différentiel Est/Ouest reste important. En effet, en30minutes, on accède en moyenne à330000emplois de plus depuis une commune de l’Ouest par rapport à une commune de l’Est.

24L’étape suivante consiste à évaluer l’effet de la construction du GPE sur cette situation. On a simulé l’apport du GPE (arc du proche Est inclus) en accessibilité en tenant compte de sa vitesse spécifique et des nouveaux nœuds sur le réseau ferré francilien mais en maintenant les populations et les emplois dans leurs valeurs actuelles, considérant de façon fictive que la réalisation du GPE pouvait être effectuée instantanément. La réalisation du GPE aussi bien à l’Ouest que dans le proche Est augmente les accessibilités à la population (toujours hors Paris), grâce au complément de maillage du réseau et aux liaisons nord-sud supplémentaires. Cette accessibilité à la population augmente de64% à l’Ouest et de80% à l’Est, soit en moyenne2,7 millions d’habitants accessibles en30minutes à l’Ouest et2,5millions à l’Est, des volumes somme toute comparables (cf. Tableau2).

25Concernant les emplois, avec le GPE, l’accessibilité augmente de75% moyenne à l’Ouest et de146% à l’Est, équilibrant presque les volumes d’emplois accessibles entre Ouest et Est (1,57millions à l’Ouest et1,4millions à l’Est). Malgré le maintien d’une structure de l’emploi spatialement inégalitaire (rappelons que l’on n’a pas fait varier le nombre d’emplois dans le calcul des accessibilités nouvelles), la réalisation de Grand Paris Express permet de faire passer le différentiel Est/Ouest d’accessibilité à l’emploi de36% à10%. D’une certaine manière, Grand Paris Express propose une solution aux problèmes de l’accès physique à l’emploi et de la stratification résidentielle en proche couronne francilienne. Il permet aux actifs du croissant Est d’accéder aux pôles d’emplois des banlieues Ouest (dont la Défense) et Sud. Les actifs du croissant Ouest voient quant à eux leur accessibilité aux pôles d’emplois de la proche banlieue Sud et Sud-Est (Villejuif, Créteil) et de Roissy améliorée.

26Derrière ces chiffres moyens de réduction des inégalités d’accessibilité, se cachent des disparités entre les communes d’un même périmètre qui profitent plus ou moins des possibilités offertes par le réseau existant et sa modification grâce au GPE (cf. Figure3).

27Dans la situation actuelle, ces écarts entre communes d’un même périmètre sont notables, surtout dans le croissant Est. Au sein de la zone Ouest, l’accessibilité est relativement hom*ogène entre les communes. En exprimant l’accessibilité des communes en pourcentage de celle de la commune la plus accessible (Puteaux), on observe que14communes sur les16du périmètre Ouest présentent une accessibilité aux emplois au moins égale à50% de l’accessibilité de Puteaux. Cette hom*ogénéité d’accessibilité dans le croissant Ouest s’explique par la concentration de l’emploi sur le pôle de La Défense et aux relations tangentielles qui relient ce pôle à la majorité des communes du croissant (T2, ligne La Défense–La Verrière, lignes du réseau St Lazare entre Asnières et La Défense).

28Au sein de la zone Est, les écarts d’accessibilité entre les communes ayant la meilleure accessibilité (qui sont presque comparables aux communes du croissant Ouest) et celles ayant une accessibilité plus faible sont très importants. Ainsi, actuellement, seules7communes sur les15communes du périmètre Est présentent une accessibilité aux emplois au moins égale à50% de l’accessibilité de la Courneuve (qui est la commune du périmètre Est ayant la meilleure accessibilité). La plus forte dispersion de l’emploi à l’Est favorise les inégalités d’accessibilité entre les communes située sur le réseau métro ou RER, qui accèdent ainsi rapidement aux emplois de La Défense, et les autres. En d’autres termes, si le réseau permet effectivement de palier le déficit d’emploi local, encore faut-il avoir accès à ce réseau. On observe ainsi des îlots d’accessibilité autour de la Courneuve (métro + RER), de Noisy le Sec et Bondy (RER E) et de Fontenay-sous-Bois (RER A). Les communes moins bien situées par rapport au réseau régional structurant bénéficient d’une accessibilité moindre dans la mesure où elles ne peuvent pas atteindre rapidement les grands pôles d’emplois franciliens. Cette différence Est/Ouest entre communes d’un même périmètre s’observe aussi statistiquement. Le coefficient de variation (CV), qui mesure la dispersion des valeurs de l’accessibilité des communes par rapport à la moyenne, est plus important dans le croissant Est (CV=0,34) que dans le croissant Ouest (CV=0,25). On observe donc bien une structure plus égalitaire des accessibilités par commune à l’Ouest qu’à l’Est.

Tableau2

Accessibilité moyennePérimètre d’étude OuestPérimètre d’étude EstPérimètre Est en% du périmètre Ouest
population actuellement accessible en30 min*1631000136000083%
population accessible avec GPE en30min*2675000244300091%
différence+1044000+1083000
emplois actuellement accessibles en30 min*89900057100064%
emplois accessibles avec
GPE en30min *
1570000140700090%
différence+671000+836000

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* accessibilité TC en30min quai à quai, hors Paris. Moyenne des communes de la zone

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Disparité actuelle d’accessibilité à l’emploi à l’intérieur des périmètres

29Grand Paris Express tend à réduire les différences d’accessibilités entre les différentes communes. Ainsi avec GPE, 14des15communes du périmètre Est ont une accessibilité aux emplois au moins égale à50% de celle de la commune qui possède la meilleure accessibilité du croissant Est (La Courneuve) contre7 actuellement. A l’Ouest, on observe que15communes sur les16présentent une accessibilité aux emplois au moins égale à50% de l’accessibilité de Nanterre. Au seuil de70%, on trouve12communes sur15dans le périmètre Est et13communes sur 16dans le périmètre Ouest. L’analyse statistique confirme la propriété «égalisatrice» de la rocade de métro automatique en proche couronne. Les écarts de coefficients de variation de l’accessibilité communale sont considérablement réduits entre Est et Ouest. Ainsi à l’Ouest le coefficient de variation passe de0,25à0,15ce qui signifie qu’il y a peu de différence de niveau d’accessibilité entre les communes du périmètre. Dans le périmètre Est, le coefficient de variation passe de0,34à0,17. Cela confirme la réduction des inégalités d’accessibilité dans la proche banlieue Est de Paris: le différentiel d’accessibilité entre communes du périmètre, actuellement important, est fortement réduit avec le projet de rocade et on ne note plus de différences tangibles entre l’Est et l’Ouest.

30Se greffant à la situation actuelle, le Grand Paris Express tend à harmoniser les accessibilités entre les différentes communes au sein de chacun des deux périmètres, mais aussi à réduire le différentiel d’accessibilité moyenne à l’emploi entre les croissants Est et Ouest. La mise en relation sur un graphique cartésien de l’accessibilité actuelle à l’emploi et des gains d’accessibilité offerts par Grand Paris Express permet d’observer que les gains d’accessibilité sont d’autant plus importants que les communes ont un niveau ex ante d’accessibilité faible: les gains d’accessibilité sont plus élevés dans les communes ayant actuellement un potentiel moyen que dans les communes ayant déjà une accessibilité forte (cf. Figure4).

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Emplois supplémentaires rendus accessibles grâce à GPE selon l’accessibilité actuelle des communes

31Ainsi, la majorité des communes actuellement en marge des territoires à forte accessibilité (à l’instar de Bobigny et du Blanc Mesnil dans le croissant Est) voient leur accessibilité croître de manière très importante avec la mise en service de Grand Paris Express. A l’inverse, les gains d’accessibilité sont moindres dans les communes bénéficiant actuellement de la meilleure accessibilité (telles Puteaux et Courbevoie). Cela permet d’expliquer en partie la réduction des différences communales d’accessibilité mise en évidence sur la figure3.

32L’importante vitesse commerciale de Grand Paris Express et sa desserte relativement fine, qui lui confère une capacité à relier entre eux zones d’habitation et pôles d’emplois, permet d’unifier la petite couronne d’un point de vue de l’accessibilité. La rocade de métro automatique en proche banlieue apparaît donc comme un outil intéressant pour atténuer les effets locaux de la déconnexion domicile/emploi. Au delà de l’effet vitrine, le projet de rocade métro en proche couronne semble pouvoir répondre enjeux de la croissance des mobilités entre banlieues.

33Les résultats des calculs d’accessibilité montrent l’intérêt de Grand Paris Express avec l’arc du proche Est dans la réduction des inégalités d’accessibilité entre Est et Ouest. Parmi les différents tronçons compris dans le projet du GPE, l’arc du proche Est, dont l’opportunité de la réalisation a fait l’objet d’intenses discussions entre les partenaires du projet, revêt une importance toute particulière. En effet, si cet arc n’était pas réalisé, la différence entre les proches banlieues Est et Ouest deviendrait béante (cf. Tableau3).

34Ainsi en ce qui concerne les emplois, les communes du croissant Est n’auraient plus accès qu’à68% des emplois accessibles par les communes de l’Ouest, contre 90% avec l’arc du proche Est (et64% dans la situation actuelle). La non-réalisation de l’arc du proche Est pénalise assez peu l’accessibilité à l’emploi des communes de l’Ouest (en moyenne-189000emplois accessibles, soit-12%) dans la mesure où les communes situées sur l’arc du proche Est comptent relativement peu d’emplois. L’impact est beaucoup plus important pour les communes de l’Est (en moyenne -465000emplois accessibles, soit-33%) dans la mesure où la ligne sert de lien entre ces communes et les pôles d’emplois franciliens.

35La mise en relation sur un graphique cartésien (cf. Figure5) de l’accessibilité actuelle à l’emploi et des gains d’accessibilité offerts par Grand Paris Express sans l’arc du proche Est montre que, dans ce cas de figure, les gains d’accessibilité seraient essentiellement réalisés à l’Ouest. Dans le périmètre Ouest, on observerait alors un rattrapage des communes ayant une accessibilité plus faible: le coefficient de variation des accessibilités communales y serait de0,14(contre0,15avec l’arc du proche Est et0,25aujourd’hui). Cela signifie que l’arc du proche Est a peu d’impact sur l’évolution des inégalités d’accessibilité entre les communes de l’Ouest. En effet, pour ces communes, la réduction des inégalités intercommunales d’accessibilités est surtout le fait des tronçons Sud, Ouest et Nord de GPE.

Tableau3

Accessibilité moyennePérimètre d’étude OuestPérimètre d’étude EstPérimètre Est en% du périmètre Ouest
emplois accessibles en30 min* avec GPE1570000140700090%
emplois accessibles en30min* avec GPE sans l’arc du proche-Est138100094200068%
différence-189000-465000

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36Dans le périmètre Est, si l’arc du proche Est n’était pas réalisé, le phénomène mis en lumière dans la section précédente de rattrapage des communes ayant actuellement une accessibilité faible n’est plus visible. Si certaines communes, comme Drancy ou le Blanc Mesnil tirent malgré tout leur épingle du jeu (dans la mesure où elles sont aussi situées sur un autre tronçon de GPE), la non-réalisation du réseau complémentaire aurait de lourdes conséquences sur l’accessibilité d’autres communes du périmètre (comme Bobigny ou Bondy). A l’Est le coefficient de variation des accessibilités communales serait de0,30sans l’arc du proche Est (contre0,17avec l’arc du proche Est et0,34aujourd’hui): ainsi, dans ce croissant, la non-réalisation de l’arc du proche Est entraînerait une réduction beaucoup plus faible des inégalités communales d’accessibilité.

37On comprend bien alors que la réalisation de l’arc du proche Est est indispensable à l’équilibrage des conditions d’accessibilité des populations aux emplois, et inversem*nt à l’attractivité des communes de la proche banlieue Est en matière d’emploi.

38Encore, les densités de population et d’emplois ont été considérées comme inchangées. Leur évolution à l’Est dépend de la pression foncière et immobilière dans des secteurs actuellement plus convoités, des disponibilités foncières, et naturellement de l’évolution de l’accessibilité ainsi que des politiques municipales. Dans l’exercice de projection de la population et des emplois réalisé par l’IAU-IdF (IAU-IdF2010a), six secteurs géographiques ont été délimités dans la première couronne des banlieues. Ils donnent une image globale relativement éclairante de la répartition de la population et des emplois à la fin des années2000et de son évolution à l’horizon2030. Le secteur Nord-Est (différent par sa composition du croissant de communes retenu pour les calculs d’accessibilité), comporte16communes qui accueilleront environ150000habitants et50000emplois supplémentaires en2030. La desserte de la proche couronne à l’Est de Paris est donc un enjeu important.

«Grand Paris Express»: un projet au service de la réduction des inégalités d'accessibilité entre l'Ouest et l'Est de la région urbaine de Paris? (8)

Conséquence de GPE sans l’arc du proche Est sur l’accessibilité des communes

39L’arc du proche Est semble aussi avoir un rôle à jouer dans une perspective de justice sociale. En effet, il contribue à intégrer au marché de l’emploi francilien des communes moins favorisées socialement, ce que permet d’étayer l’analyse de la matrice de corrélation entre les gains d’accessibilité et les données socio-économique [1] des communes de nos périmètres d’étude (cf. Tableau4).

40En observant les corrélations entre les gains d’accessibilité procurés par Grand Paris Express (arc du proche Est inclus), il apparaît que la mise en service d’une rocade métro en proche couronne bénéficie aux territoires les plus fragilisés socialement. En effet, les gains d’accessibilité tendent à être plus importants pour les communes ayant un faible revenu, un taux de chômage élevé, un fort taux de population ouvrière et employée, un faible taux de population cadre et des prix de l’immobilier plus faibles. L’arc du proche Est permet aussi de rééquilibrer l’accessibilité aux différentes catégories d’emplois. Actuellement, les communes les plus accessibles sont celles qui ont un taux élevé d’emplois cadres. A l’inverse, un fort taux d’emplois ouvriers et employés est corrélé avec une faible accessibilité. La rocade du proche Est tend à offrir des gains d’accessibilité accrus dans les bassins d’emplois ouvriers et employés et plus faibles pour les bassins d’emplois cadres (qui bénéficient déjà d’une forte accessibilité).

41Sans la réalisation de l’arc du proche-Est, les liens entre les gains d’accessibilités et les données socio-économiques sont non significatifs. Grand Paris Express, sans ce tronçon, permet une intégration plus faible des communes les moins favorisées dans la ville de l’accessibilité.

Tableau4

Revenu médian par UC (en€)Taux de chômage (en%)% de HLM dans le parc de logementsPrix moyen de 2 l’immobilier (€/m)% d’actifs résidents cadres% d’actifs résidents ouvriers et employés% d’emplois cadres% d’emplois ouvriers et employés
Accessibilité à l’emploi actuelle (nombre d’empois)0,18-0,090,150,530,35-0,280,53-0,48
Accessibilité supplémentaire avec GPE et l’arc proche Est-0,420,460,25-0,43-0,480,5-0,420,43
Accessibilité supplémentaire avec GPE sans l’arc proche Est0,23-0,13-0,080,270,23-0,180,28-0,27

«Grand Paris Express»: un projet au service de la réduction des inégalités d'accessibilité entre l'Ouest et l'Est de la région urbaine de Paris? (9)

N=28communes; les valeurs en gras sont les coefficients significatifs à un seuil de5%

42En plus de son rôle d’égalisateur territorial, Grand Paris Express, associé à l’arc du proche-Est, endosse alors un rôle social. En améliorant l’accessibilité dans les communes les plus fragiles socialement, et par conséquence en réduisant les effets du spatial mismatch, il contribuerait à une meilleure intégration des populations en difficultés. Par ailleurs, accessibilité et attractivité étant des notions souvent corrélées en ce qui concerne les flux (CATTAN, 1990) ou l’installation d’entreprise (BECKMANN, THISSE, 1986; COMBES, LAFOURCADE, 2001), la réalisation de l’arc du proche Est pourrait avoir des effets positifs sur le dynamisme socio-économique de la proche banlieue Est.

43Replacé dans le contexte de visions prospectives qui donnent au renforcement d’un système de multiples pôles de taille moyenne un poids bien plus important dans l’organisation du territoire régional, l’arc du proche Est francilien revêt le caractère d’un projet indispensable sous les deux angles de l’accessibilité, auquel on peut en ajouter un troisième. D’abord, il majore les opportunités offertes aux actifs résidants d’accéder à des emplois situés dans d’autres communes de leur secteur géographique mais non placées sur les axes radiaux conduisant à Paris; il offre aussi, et peut-être surtout, l’opportunité d’accéder à des emplois situés dans d’autres secteurs géographiques éloignés comme Roissy, Marne-la-Vallée, Orly-Massy ou La Défense, afin de compenser les carences de l’emploi de proximité dans l’hypothèse d’un rééquilibrage Est-Ouest insuffisant ou inadapté aux profils socioprofessionnels des actifs résidants.

44Ensuite, et inversem*nt, l’arc du proche Est permet aussi à l’emploi de s’implanter dans la proche banlieue Est en profitant d’une bonne relation à des bassins d’actifs abondants, grâce à l’élargissem*nt des aires de recrutement.

45Enfin, la troisième dimension est relative aux objectifs de l’aménagement régional, orientés d’une part vers la consolidation en priorité de la nappe urbanisé, par rapport à l’expansion et à la fragmentation spatiale qui ont dominé la dynamique territoriale pendant un demi-siècle; et orientés d’autre part vers la réduction des fractures internes de la région urbaine, de nature économique et sociale. Dans cette optique, les proches banlieues Est et Nord-Est, qui sont restées en retrait dans le grand projet de révolution de l’accessibilité périphérique, constituent un enjeu territorial élevé. Elles ont en effet un rôle important à jouer dans la composition régionale du système multipolaire qui paraît inéluctable à trente ans, eu égard à la saturation des rares positions à haute convoitise comme La Défense (et malgré leur potentiel de développement futur, qu’il ne s’agit pas ici de remettre en question).

46En posant la question de l’évolution de l’accessibilité au marché de l’emploi permise par la réalisation de Grand Paris Express, notre contribution a montré l’intérêt de l’arc du proche Est dans la réduction des inégalités géographiques d’accessibilité entre les proches banlieues Ouest et Est. Ainsi, la réalisation de GPE avec un tronçon dans le proche Est permettrait de combler la différence Est-Ouest tout en améliorant l’accessibilité générale à l’emploi régional. A l’Est, l’arc du proche Est joue le rôle prépondérant dans ce rééquilibrage; sans cet arc, l’écart d’accessibilité entre Ouest et Est s’accroîtrait dans des proportions importantes, s’ajoutant à la différence entre les volumes d’emplois à l’intérieur des périmètres. En d’autres termes, une meilleure accessibilité à d’autres sites ne compenserait pas le moindre nombre d’emplois au sein de la proche banlieue Est.

47Le choix fait par l’État en2011d’inscrire cet arc du proche Est au titre de réseau complémentaire structurant et de n’avoir en conséquence qu’un seul arc lointain à l’Est de Paris est significatif de la logique du Grand Paris Express, qui apparaît d’abord comme un moyen de relier entre eux des pôles d’emplois, comme autant de points d’appui du développement multipolaire de la région urbaine d’Île-de-France. Le réseau fait alors office de «vitrine transport» dans la politique de marketing urbain de la «Région Capitale», basée sur le développement de clusters thématiques à vocation mondiale (finance, cinéma, recherche, biologie et santé, ville durable, tourisme d’affaire...). Grand Paris Express n’est alors que secondairement, et même après la négociation entre État et région, un outil au service du rééquilibrage géographique de la région urbaine au profit de ses populations.

48On peut ainsi se demander si c’est réellement l’amélioration des conditions de transports des usagers ou la volonté de se maintenir dans la compétition des métropoles ou villes globales qui a prévalu dans le choix du tracé. Si l’arc de l’Est lointain permet de désenclaver quelques communes, il ne peut être exclusif d’un arc du proche Est permettant d’hom*ogénéiser les conditions de l’accessibilité à l’emploi au sein même de la nappe urbanisée et relativement dense. C’est d’ailleurs la logique suivi par la récente modification du projet en mars2013. La réalisation du tronçon en proche banlieue Est rééquilibre le projet en faveur des besoins de mobilités des franciliens. En effet, cette ligne, en permettant des liaisons rapides entre bassins de population et pôles d’emplois, favorise l’intégration des communes les plus fragiles socialement dans le marché de l’emploi régional, ce que l’on peut considérer comme un facteur d’efficacité économique et de bien-être sociétal. Alors que le territoire du proche Est représente un enjeu d’importance dans le développement de l’agglomération parisienne et de son projet métropolitain, l’arc du proche Est apparaît comme un élément nécessaire pour faire de Grand Paris Express un projet qui allie les enjeux métropolitains de visibilité internationale et de développement économique aux enjeux locaux de la mobilité des populations.

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